Depuis le 1er juillet 2025, une nouvelle règle fiscale est entrée en vigueur à Madagascar : les intérêts de tous les crédits bancaires sont désormais soumis à la TVA, au taux standard de 20 %. Cette mesure, issue de la Loi de Finances 2025 adoptée en décembre 2024, concerne tous les prêts contractés depuis le 1er janvier 2025 – qu’ils soient à la consommation, immobiliers, professionnels ou de refinancement.
Les conséquences pour les emprunteurs sont immédiates :
- Un crédit de 20 millions MGA avec 3 millions d’intérêts implique désormais 600 000 MGA supplémentaires à payer en TVA.
- Les mensualités augmentent mécaniquement, rendant le coût total du crédit plus lourd, parfois dissuasif.
Une pression fiscale… dans un contexte budgétaire tendu
Cette mesure vise à accroître les recettes fiscales nationales. Madagascar affiche depuis plusieurs années une pression fiscale autour de 11 % du PIB, l’une des plus faibles de la région. L’État cherche donc à élargir sa base fiscale, sans augmenter l’impôt sur le revenu ou la consommation de base. Le secteur financier, encore relativement protégé, devient ainsi un levier.
Mais cette taxation soulève des inquiétudes légitimes :
- Elle alourdit le coût du crédit, pénalisant les particuliers modestes comme les petites entreprises.
- Elle risque d’exclure des emprunteurs du système formel, les poussant vers le crédit informel, moins sûr.
- Elle pourrait ralentir l’investissement privé, dans un pays où l’accès au financement est déjà un défi majeur.
Et pourtant… une opportunité d’innovation structurelle
Malgré ces effets indéniablement négatifs à court terme, cette réforme fiscale pourrait aussi agir comme un déclencheur positif, en forçant les banques à réinventer leur modèle économique et à proposer des produits mieux adaptés au marché malgache.
L’innovation comme réponse obligatoire
Les banques, pour rester attractives, devront innover. Plusieurs pistes émergent :
- Crédits à taux zéro avec frais fixes : en structurant les frais autrement, il est possible d’atténuer ou d’éviter la taxation sur les intérêts.
- Offres groupées : coupler crédit, assurance, services d’accompagnement et formations peut justifier un coût global plus élevé, tout en apportant de la valeur.
- Numérisation du crédit : les solutions digitales permettent de réduire les coûts opérationnels, de proposer des montants plus faibles et d’accéder à des publics plus larges.
Exemple : une plateforme de microcrédit en ligne, basée sur l’analyse de données mobiles ou transactionnelles, pourrait attribuer automatiquement des prêts aux petits vendeurs informels ou aux jeunes entrepreneurs, tout en contournant certaines rigidités du système bancaire classique.
Une opportunité pour les TPE et les travailleurs indépendants
Actuellement, plus de 90 % des entreprises malgaches sont des TPE ou acteurs de l’économie informelle. Ils restent largement exclus du crédit bancaire traditionnel, faute de garanties ou de bilans solides. Une banque qui sait proposer des offres adaptées, flexibles, digitales, pourrait capter cette clientèle et contribuer à une inclusion financière massive.
De nombreuses innovations existent déjà dans d'autres pays africains :
- En Ouganda, des crédits sont octroyés via simple SMS grâce à un scoring basé sur la consommation mobile.
- Au Kenya, l’application M-Shwari a permis de distribuer plus de 4 millions de microcrédits en 2023, avec un taux de remboursement supérieur à 90 %.
Pourquoi pas à Madagascar ?
Une mesure à surveiller, un changement à accompagner
Ce virage ne se fera pas sans heurts. Le rôle des institutions bancaires sera déterminant : sauront-elles investir, simplifier, écouter les besoins réels des clients ?
Les autorités, elles aussi, doivent suivre : en régulant les pratiques, protégeant les emprunteurs, et accompagnant l’émergence de fintechs locales.
Enfin, le rôle de la société civile, des influenceurs, des journalistes et des acteurs du développement est capital : informer, alerter, soutenir les projets pilotes, et montrer qu’un système bancaire plus inclusif est possible.
Une contrainte fiscale… qui peut devenir un levier économique
Cette TVA sur les crédits bancaires est loin d’être anodine. Elle touche directement les dynamiques de consommation, d’investissement et d’entrepreneuriat. Mais elle peut aussi — si elle pousse à l’innovation — servir de point de bascule vers un système financier plus agile, plus numérique, plus équitable.
Et si, en forçant les banques à sortir de leur zone de confort, cette réforme devenait le catalyseur d’une nouvelle génération de produits financiers — pensés pour la réalité malgache ?
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